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PASCALE CAEMERBEKE, auteure

J’ai écrit cette pièce lorsque mon fils avait une dizaine d’années. C’était un enfant qui aimait être chez lui et « faire ses petites affaires », comme nous disions. Dès la maternelle, au bout de quelques jours, il a dit : « C’est bon, j’ai vu ce que c’est l’école et je n’ai plus envie d’y aller. » J’étais ennuyée… Que répondre à un enfant si sûr de lui ? Les réponses toutes faites, du style : « Mais à l’école, tu vas apprendre plein de choses et te faire des copains ! », ne convenaient pas ; à la maison, il apprenait des choses et avait des copains qui habitaient en-dessous de notre logement. Je lui ai donc répondu que l’école était obligatoire et qu’il n’avait pas le choix. Ce qui, je m’en rendais compte, était un semi-mensonge, puisqu’on peut demander une autorisation pour faire l’école à la maison. Il a paru se résigner mais n’a jamais aimé l’école pour autant et a même développé un refus qui faisait mal à voir. Une fois, il avait peut-être 5-6 ans, il a dit : « Toute la semaine est en noir, il y a juste deux petites îles, le mercredi après-midi et le week-end. » L’école le faisait déprimer. En début de CE1, alors que nous faisions chaque soir ses devoirs de lecture, je me suis rendu compte qu’il ne savait pas lire et faisant semblant. Son maître s’énervait contre lui car il pensait que cet enfant faisait exprès de ne pouvoir répondre ; or l’enfant rêvait, il était ailleurs. Cette situation devenait pénible pour l’enfant et pour le maître qui ne cherchait qu’à lui apprendre à lire. Comme souvent dans ce cas, le parent est prié d’accompagner son enfant chez un orthophoniste. Après l’avoir vu une quinzaine de minutes en entretien privé, l’orthophoniste me dit, devant mon fils, qu’il était en échec scolaire et que si l’on ne faisait rien, il courait à la catastrophe. Nous sommes ressortis complètement abattus, nous marchions en silence jusqu’à ce qu’un déclic se fasse en moi et que lui dise : « Tu n’iras pas voir cette femme, ne t’inquiète pas, on va trouver une solution. » La solution, c’était la musique et les classes à horaires aménagées. Quand en CM1, il a pu aller en classe uniquement le matin et faire de la musique l’après-midi, tout s’est mieux passé. Il n’est pas devenu un bon élève pour autant, mais l’école était moins pesante. C’est de cette expérience qu’a germé l’écriture de L’Asticot.

Une actualité a aussi nourri l’écriture, celle d’un enlèvement d’enfant et de la mise en garde que l’on fait aux enfants de ne pas suivre un inconnu, sous aucun prétexte. Je me suis dit qu’il pouvait exister des enfants qui auraient un désir d’inconnu, une envie de savoir comment c’était ailleurs, de jouer avec la peur et le danger. Et le personnage de l’Asticot a pris forme. Ce petit garçon en quête d’un père et qui étouffe dans la relation avec sa mère, cet enfant qui se sent seul, isolé et transgresse un interdit pour provoquer une rencontre avec l’ailleurs.

C’est aussi le moment où mon fils, étant dans une école publique d’une banlieue du 93, se posait des questions sur les religions. Il avait des amis avec des religions différentes et voulait savoir pourquoi nous n’en avions pas. J’ai repensé à mon enfance et me suis souvenue combien le fait de croire en un Dieu à qui je pouvais parler et ouvrir mon cœur, m’avait aidée à me sentir moins seule. À l’adolescence, j’ai cessé de croire et suis devenue athée, mais cette foi que j’avais s’est transformée, car je pense que le besoin de croire est en l’être humain.

Tous ces questionnements s’adressent aux enfants comme aux adultes, et je voulais écrire une pièce qui parle autant aux adultes qu’aux enfants pour les faire dialoguer.

Pascale Caemerbeke

 

 

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